11:23 -- GRAND LINE, WATER SEVEN, DOCK 5

Une douce odeur de poisson et un coup sur la tête vinrent réveiller notre jeune Shandia, alors qu'il était en train d'empocher la prime des 4 Yonkou simultanément dans ce qui semblait vraisemblablement être un rêve. Un tel réveil ne pouvait que le mettre de mauvais poil; quand on sait qu'il est d'humeur massacrante même quand il se réveille dans un lit douillet, on ne peut que présager le pire pour celui qui l'avait ainsi tiré de sa torpeur. Le fait est qu'il était juste tombé de son tonneau, le bateau dans lequel il avait embarqué ayant apparemment fait quais à une quelconque île. Au-dessus de sa tête, les pas des marins s'activaient sur le plancher irréprochable du vaisseau marchand, ce qui acheva de l'éveiller.



Comme les habitudes se perdent difficilement, Ken s'était très gentiment offert un des tonneaux de rhum dans la cale du navire en l'honneur de sa belle gueule et avait fini par s'endormir dans un tonneau de poisson. Remarque, il n'avait pas été dérangé par qui que ce soit dans son bain d'arrêtes, ce qui était déjà un bon point. Le fait est que notre joyeux décérébré ne se souvenait plus de ce qu'il foutait dans la cale d'un bateau, ce qui était plutôt dérangeant même pour un type comme lui. Il resta, hagard, assis sur le tonneau qu'il avait vidé jusqu'à ce qu'un des membres d'équipage ne le trouve. Sa présence fut reportée au capitaine, qui préféra le faire sortir sans encombre plutôt que de lui réclamer une quelconque somme d'argent; il n'était pas pour ainsi dire célèbre, mais un chasseur de pirates recouvert de sang et armé jusqu'aux dents n'est jamais la bonne personne à enquiquiner.

C'est ainsi que le Shandia se retrouva, sans trop comprendre par quel procédé, sur les quais du Dock numéro 5 de Water Seven. L'île n'était pas bien loin de Jaya, mais le dépaysement était total. Le paysage était autrement plus agréable à voir, mais ce qui interpellait le plus Ken, c'était l'amas affolant de ressources en tous genre étalées à la vue de tous sur les Docks. En bon débile attachant, il tenta d'embarquer un stock de sabres au nez et à la barbe des 10 dockers qui étaient censés surveiller la cargaison; mauvaise idée, puisqu'il se retrouva roué de coup et jeté dans l'eau fissa.

C'était à force d'en prendre plein la tronche que Ken finit par comprendre que Water Seven était un tout autre type de trou à pirates; ils étaient plus subtils, puisque les forbans étaient un peu mieux habillés et prétextaient participer au commerce de l'île, alors qu'ils venaient juste faire armer leurs vaisseaux. De jolis pirates à froufrous et à la langue bien pendue, c'était ceux-là mêmes qui se faisaient déglinguer dans les ruelles de Mock Town puis jeter sur les quais, avant de repartir en fulminant à propos du « manque d'éducation flagrant ! » des autochtones.

Toujours est il que le chasseur s'était bougé le cul de son île « natale », et ce n'était pas pour rester à barboter entre deux barques et 10 dockers morts de rire. Suivant son instinct, le Shandia remonta et colla une belle branlée à 4 d'entre eux, histoire d'en faire un exemple et d'assouvir ses pulsions immédiates. Les 6 autres préférèrent s'occuper leurs collègues assommés plutôt que d'expérimenter le crochet de Ken qui, à peine arrivé, faisait déjà usage de sa violence gratuite et exagérée pour se faire respecter. Après tout, c'est comme ça qu'il avait toujours fait et il attendait encore qu'on vienne lui prouver qu'il se foutait le doigt dans l'oeil.

Après cette première altercation bénigne, l'ange s'était dirigé vers les sommets de Water Seven, quittant donc les Docks pour longer les canaux ornant les rues de l'île à la recherche d'un endroit où séjourner pour les nuits à suivre. Il n'était pas question qu'il dorme dans la rue, et encore moins dans un tonneau de poisson. En parlant de poisson, les passants se retournaient tous sur son passage, à cause de l'odeur de merlan séché qu'il dégageait et du sang qui imbibait son tee-shirt blanc. Si la Marine était active sur cette île, il ne tarderait pas à voir le bout du nez d'un agent se croyant tout permis et qui lui demanderait de « respecter les autres en soignant son hygiène ».

Au détour d'une énième ruelle, une clameur vint titiller le tympan exercé de Ken. Il l'avait reconnue; la douce musique qui émanait d'une bagarre d'ivrognes, gracieuse comme un coup de pied dans les couilles et resplendissante comme la dentition d'un loup de mer imbibé d'alcool. C'est sans hésiter que le Shandia se dirigea vers l'auberge d'où provenaient les cris, située au fin fond d'une des ruelles les plus paumées de Water Seven; le trou parfait pour un type pareil, en somme. L'enseigne qui ornait la façade de l'établissement - qui était toutefois en très bon état - disait « Auberge du Pélican », tandis qu'un petit écriteau en bois était fixé sur le cadre de la porte ajoutait « Ici c'est pas pour les p'tites bites. ». Sans hésiter quant à sa qualification à entrer dans l'établissement, Ken bouscula le battant de la porte et s'engouffra dans l'auberge.




Dés que l'ange foula le plancher de l'auberge, un silence morbide prit possession des lieux. Seule la musique crachée par 4 Den Den Mushi hauts-parleurs disposés aux 4 coins de la pièce jurait avec la situation. Tous avaient rivé leur regard sur Ken, s'arrêtant au beau milieu d'une droite ou tenant leurs verres juste sous leur nez, comme s'ils attendaient quelque chose. Le Shandia s'avança prudemment dans l'établissement, se dirigeant vers le comptoir. Aucune place assise n'étant libre, il envoya une droite dans la tronche d'un des ivrognes qui occupait un des tabourets en lui éclatant accessoirement son verre sur la face. Le type resta au sol quelques instants, avant que tous prononcent la même phrase, à savoir :



Cela dit, ils reprirent tous leurs activités comme si rien ne s'était passé. Vraisemblablement, il fallait fracasser des gens en entrant dans le bar pour s'y faire accepter. Original, mais il fallait être sûr de soi en entrant; d'où le « Ici c'est pas pour les p'tites bites. » gravé dans l'encadrement de l'entrée. Le type qui s'était fait défoncer fut évacué et jeté hors de l'auberge par deux des habitués, histoire qu'il n'encombre pas le passage avec sa carcasse inanimée de pilier de comptoir déchu. Fasciné par l'atmosphère presque paradisiaque de l'endroit à ses yeux, le chasseur passa plusieurs minutes à zyeuter les diverses personnalités de la pièce. Parmi les têtes, il y avait pas mal de primés, mais leurs récompenses ne valaient pas la peine qu'il risque d'être blessé et il préféra profiter de son séjour.



La tenancière balança au Shandia les clés de la chambre 3B ainsi qu'un plan de la ville assez usé, qu'elle donnait à tous les marins de passage pour qu'ils puissent s'y retrouver sur l'île aquatique. À l'arrière de la carte figuraient les horaires des repas mentionnés plus haut, ainsi qu'une phrase qui fit sourire le chasseur de têtes. « C'te carte s'appelle Revient, alors t'as intérêt à m'la rendre en rentrant. PS: Les clés aussi. ».




Son sac de provisions - volées - et ses maigres bagages déposés dans sa chambre, Ken déplia la carte de Water Seven et sortit de l'auberge, bien décidé à faire un peu de tourisme pour changer d'air. L'autre préposition de cette virée était aussi de chercher une proie intéressante, parce que son séjour sur l'île n'allait pas se payer tout seul - sachant que le Log Pose du navire marchand qui l'avait emmené à l'île sainte des charpentiers avait un temps de relance de 10 jours, il allait avoir besoin d'un minimum de fonds.

 




19:23 -- GRAND LINE, WATER SEVEN, RUES DU CENTRE-VILLE

La nuit commençait tout doucement à tomber sur la ville, donnant lieu à un magnifique spectacle qu'est un coucher de soleil. On pouvait voir des couples installés sur les rebords de la fontaine géante ça et là, en train de profiter de la vue depuis le centre marchand situé à son pied. Le paysage était presque parfait, aucune bagarre en vue et les terrasses étaient bondées; mais pourquoi « presque », au juste ?



Le fait était qu'un Shandia était tranquillement en train de se laver au bord de la fontaine, nu comme un ver, au milieu des couples estomaqués - que ce soit par le manque de pudeur ou la beauté du chasseur de primes, c'est légitime - et des touristes en contrebas. À force de se faire aborder par des gardes de la cité outrés par son hygiène déplorable, Ken avait décidé d'aller se faire un brin de toilette mais n'avait pas trouvé de douches à son goût dans l'auberge. Il s'était donc mis en tête qu'une fontaine, qu'importe sa hauteur et sa prestance, ferait un endroit tout à fait légitime pour qu'une star telle que lui s'y lave. En contrebas, des cris, sans doute ceux des mêmes gardes qui l'avaient exhorté à aller se laver, l'interpellaient. La philosophie du Shandia était très stricte concernant les autorités et les lois : tant qu'on ne pouvait pas l'attraper, il n'était coupable d'aucun méfait. La question est : est-ce qu'un garde oserait monter le dénicher ?




Quelques minutes plus tard, frais et dispo, notre Shandia aux moeurs douteuses était fin prêt à reprendre son tour d'horizon de la ville. Comme prévu, il avait semé les gardes sans problème en sautant de rive en rive. Il se retrouvait donc sur le toit d'une bâtisse proche des docks, une paire de jumelles volées aux mains. Son instinct d'imbécile ayant repris le dessus, Ken tenait les jumelles à l'envers et conclut donc que cet outil si réputé pour son utilité n'était qu'une arnaque, avant de les lancer dans la rue. L'objet vola en éclats en contrebas après une chute de cinq étages, ses morceaux s'éparpillant dans la ruelle qui juxtaposait la position du chasseur. Des clameurs montèrent et une balle fit sauter une des tuiles sur lesquelles marchait Ken.



Un simple coup d'oeil suffit au tueur de pirates pour reconnaître celui qui avait fait feu sur lui; un forban de bas étage, certes, mais doté d'une prime alléchante par rapport à son corps de brindille. Il y avait sûrement anguille sous roche, mais Ken n'était pas chasseur d'anguilles, mais bien de pirates. C'est donc tout naturellement qu'il descendit dans la ruelle pour aller saluer la bande de criminels qui s'y cachaient. Ils étaient 3, en comptant celui qui avait tiré.


Ken prit le temps de bien les détailler avant de prendre la parole, laissant un blanc de quelques secondes s'installer entre eux sans que les pirates ne comprennent vraiment les intentions du chasseur. Celui le plus à gauche, fiché en tant qu'Églantin l'eunuque, était connu pour ses meurtres de femmes sans pitié. On donnait comme raison la frustration de l'homme-poisson qui était incapable de procréer, étant donné qu'il avait été castré alors qu'il était encore esclave. Celui du centre, en retrait, était Leopold la fronde. Ce type, un autre homme-poisson, était petit, obèse, chauve et de surcroît moche. Le dernier, tout à droite, était Sacha le dresseur. Le plus primé du trio, dieu seul sait pourquoi, était aussi le plus pitoyable; des rumeurs l'accusaient de faits de zoophilie et il était connu à Mock Town pour organiser des combats d'animaux illégaux.



Le trio commençait à reculer alors que le chasseur s'avançait. L'assurance qu'il dégageait malgré l'avantage numérique de ses adversaires avait à lui seul suffit à rappeler aux trois rigolos qu'ils avaient face à eux un tueur de pirates sans foi ni loi qui préférait transporter le gibier mort plutôt que vif. On pouvait voir Sacha darder son arme à feu vers Ken, Léopold rouler de ses quatre yeux dans tous les sens et Églantin réfléchir aussi vite que lui permettait son cerveau d'homme-céphalopode pour les sortir de leur merdier sans nom. Les petites vies des trois criminels de bas étage défilaient devant leurs yeux comme s'ils vivaient leurs derniers instants quand Sacha prit la parole, la voix tremblante.



Ceci dit, Ken repartit en direction de sa fameuse Auberge du Pélican, le seul coin sûr où il pourrait interroger ses trois captifs à l'abri d'oreille indiscrète, étant donné la difficulté à s'y fondre dans la masse. Sur le trajet, il entendait les 3 abrutis - peut-être étaient ils encore plus cons que le chasseur lui-même - préparer des plans d'embuscade, qui n'aboutissaient jamais puisqu'il suffisait au Shandia d'un petit regard en arrière pour les faire taire. « Trois guignols comme ça, engagés par le même type... ça veut soit dire qu'il est désespéré, soit qu'il avait vraiment pas le temps d'niaiser. »

 




22:08 -- GRAND LINE, WATER SEVEN, AUBERGE DU PÉLICAN

Dehors, la nuit était maintenant noire. L'agitation de la journée avait laissé place au calme de la nuit, seuls quelques soldats patrouillaient dans les rues les plus proches des docks au milieu des chats, oiseaux et autres animaux errants. Les lumières tamisée que déversaient les fenêtres des habitations de la ville s'éteignaient une à une, à mesure que les habitants s'en allaient se coucher en prévision de la journée de labeur qui les attendait le lendemain. Les seuls endroit encore animés étaient les auberges, où les voyageurs de passage passaient la majorité de leurs soirées à festoyer et à boire dans la bonne humeur.

C'est dans l'Auberge du Pélican, l'établissement où fait escale Ken, que l'on le retrouve avec ses trois « captifs » - puisqu'ils n'étaient pas libre de partir, mais n'étaient pas non plus mis aux fers - autour d'une table située dans l'extrême coin de la pièce. Tout autour d'eux, les personnes se tapaient sur la trogne à coup de chopes à moitié brisées et s'insultaient jusqu'à s'en dégommer les poumons. Eux seuls étaient attablés, en silence, alors que Ken les toisait avec son habituel regard de mire de sniper. Il attendait des tuyaux, et pas des petits, concernant le gros poisson qu'il aurait à ferrer le lendemain. Les trois pirates se regardaient entre eux, incertains entre leur désir de vendre leur employeur et celui de ne rien dire, craignant dans les deux cas des représailles. C'est un coup de poing du Shandia qui tira le trio de ses incertitudes, en défonçant la table en deux sous leurs yeux.



Le trio échangea un regard éloquent; leur situation ne pourrait pas être pire que celle dans laquelle ils se trouvaient actuellement, ils décidèrent donc de poser leurs maigres espoirs de survie entre les mains de Ken. C'est Sacha, le leader du trio, qui prit la parole.



Un plan, de la part de Ken ? Des barres.




Environ une bonne heure plus tard, alors que la ville toute entière était endormie, 4 silhouettes ombragées se baladaient sur les toits. Les ninjas de l'extrême sautaient de tuile en tuile, cassant et pliant tout sous leurs pieds graciles et discrets qui produisaient la cacophonie d'un orchestre. Les 3 captifs ouvraient la marche, une tenue de ninja noire sur le dos et un masque hannya en plastique scotché sur le visage chacun. Ken suivait la troupe par derrière, ce-dernier portant pour sa part une robe de marièe blanche et un bandeau orné d'une plaque de fer gravée d'une feuille qu'il avait récupéré sur une brocante en arrivant. L'escouade de choc s'arrêta sur le toit d'une habitation se situant à la limite du quartier résidentiel, surplombant le Dock 3. Celui qui semblait être Sacha prit la parole.



Les trois ninjas des ténèbres s'exécutèrent sans un mot, avançant parmi les dockers médusés, la tête haute. Lorsque la porte du hangar où se terrait le "boss" s'ouvrit, Ken se faufila jusqu'à celle-ci en longeant les ombres et en effectuant des pirouettes cacahuètes pour esquiver les gardes. Adossé au mur juxtaposant l'entrée, il tendit l'oreille de sorte à espionner la discussion qui se tenait à l'intérieur.



Le moins que l'on pouvait dire, c'était que la discussion n'avancerait pas. Son plan tournait au fiasco à cause des masques scotchés et collés à la super-glu sur le visage de ses acolytes. Mais quelle putain d'étincelle de génie avait fait germer cette idée saugrenue dans l'esprit du Shandia ? Bref. Tandis qu'ils essayaient de s'exprimer à travers des grognements mélodieux, Ken choisit de faire son entrée en matière en se posant en plein milieu du halo de lumière déversé par l'ouverture de la porte, à bout de patience et accessoirement en robe de mariée.




Le cafouillage s'arrêta lorsque le capitaine vit le chasseur. Il leva la main face à ses traîtres d'hommes pour leur intimer le silence. Après un rapide tour d'horizon, Ken conclut que les deux autres gardes censés protéger son gibier manquaient à l'appel, puisque rien ne semblait indiquer leur présence. Le hangar était décoré de trésors débordant de partout, de haches, d'épées, de cubes bizarres à la texture incertaine et même d'un cadre en acier trempé ressemblant à s'y méprendre à un trophée, orné d'une écriture qui disait « CONGRATULATIONS For Surpassing One Million Subscribers ».

C'est après un long silence et un duel de regard sulfureux que le pirate prit la parole, après avoir fait couiner une otarie en caoutchouc cachée dans les replis de sa veste.



Un silence lourd tomba sur l'assemblée. Le trio de ninjas scotchés s'était arrêté de s'agiter. C'est alors, qu'avec sa voix tonitruante et virile, le capitaine Zob Lennon reprit.



Cela dit, il braqua ses flingues sur ses sbires avant de les descendre d'une balle dans la tête sans prévenir. Le tir était joli, et il avait touché le cerveau les trois fois. Son expérience à la chasse au caribou se montrait une nouvelle fois très pratique, à n'en point douter. Les carcasses chutèrent au sol comme des dominos, trouées au niveau de l'oeil droit comme s'il ne voulait pas abîmer leur peau pour s'en faire du cuir. Ken n'eut aucune pensée pour ces trois pauvres hères, son esprit bien trop limité n'assimilant pas les informations de leur mort et la présence de son gibier en même temps.



Dés qu'il finit sa phrase, le pirate laissa tomber sa veste au sol, le laissant dénudé comme un ver face à son adversaire, à l'exception d'un pagne. Sa musculature frêle laissait deviner ses os et sa peau blanche comme la mort indiquait très clairement qu'il ne sortait pas souvent de son hangar. Toutefois, ses tétons brillaient d'un éclat menaçant, ce qui n'augurait rien de bon. C'est alors qu'il approcha ses doigts de ces-derniers, dans un suspense insoutenable...



Zob pinça ses points de pression vitaux - donc, ses tétons - avec vigueur, avant de se fondre dans un halo de lumière immaculée qui masqua sa transformation...