À quoi bon se détailler physiquement ? L'apparence est une chose si futile et éphémère, depuis qu’il est enfant, sa carapace a pris tant de formes possibles que toutes les décrire me prendrait une éternité. Je n'ai pas autant de temps à perdre, bien que certains vous diront que si. Le plus simplement du monde, je vais tenter l'exercice difficile de dire ce que je vois dans ce reflet si horrible. Cette petite mine ravagée par le poids des années. Cette pilosité guerroyant sur ce visage qui ne connaît jamais de répit dans cette guerre qui oppose les nombreux poils de cette barbe en désordre jonchée par quelques tranchées qui se font de plus en plus nombreuses. Ce chaos n'est pas prêt de s'arrêter loin de là. Chaque jour, il se fait de plus en plus sanglant et crade, l'eau souvent n'y voit pas le jour, la seule chose qui fait que cette zone ne soit pas sèche est en fin de compte l'alcool dont sa personne ne peut se passer.

Même si les ravages du temps commencent à faire effet sur le vieux Ryōhei, il n’en reste pas moins une personne robuste et très bien sculptée. Il a continué à entretenir son corps ce qui fait de lui un vieil homme plutôt bien conservé encore capable de se battre et de courir pendant plusieurs heures et non un vieux rabougris, cloîtré dans son fauteuil qui passe ses journées à lire les journaux et s’occuper de son potager. Ses formes sont bien dessinées sans être un modèle de bodybuilding, des épaules bien carrées sans être trop volumineuses. Prolongées par des bras assez fins mais musclés pour posséder un geste sûr et rapide. Au bout de ses deux membres se cachent deux mains surmontées de cinq doigts fins et usés par le temps. Ici point de douceur, juste la rigueur de mains ayant déjà bien trop travaillées. Par-dessous de ces épaules se blottit une poitrine mince et dure. Signe de maigreur et de musculature. Outre les effets du temps visibles sur son corps, Ryōhei conserve de nombreuses cicatrices de ses anciens combats dont une sacrée balafre dans le dos qui descend de l’épaule droite jusqu’au bassin.

Le visage de cette enveloppe charnelle est triste et fermé, peint par l'amertume de la vie. Son œil, étrange soit-il, n'exprime rien et ne reflète qu'un océan de sang dans lequel il est déconseillé de se plonger. Le regard qu’il porte, ne démontre aucune sympathie et ceux, envers quiconque. Un long nez trace une symétrie parfaite de ce visage lisse. Des lèvres fines et douces que de nombreuses femmes ont pu embrasser. Ne souriant plus beaucoup, on peut témoigner de l'éclat et de la blancheur de ses dents, lorsqu'il vient à dialoguer. À noter que son œil gauche est dissimulé par un cache noir.

Pourquoi le cacher ? Parce qu'il est tout simplement... inutile. Durant l'un de ses innombrables combats, une lame vint toucher son œil gauche, le fermant à tout jamais, créant une balafre plus vraiment visible maintenant qu'il y a un cache en tissus noir dessus. Mais ce n'est pas la seule balafre qui barre son visage, il en a deux autres au niveau de sa joue gauche, juste au-dessous de son œil. Deux coups de lames jumelles qui faillèrent également lui retirer son second et dernier œil. Elles ne passèrent pas loin et firent prendre conscience à notre homme que s'il perdait cette dernière pupille... il ne vaudrait plus rien du tout. Depuis, il protège cette ultime prunelle marron qui lui permet de voir le monde et d'admirer son œuvre. Certes, son champ de vision est limité à présent, mais cela lui a permis de renforcer ses autres sens, il a une ouïe plus fine et un odorat plus développé.

Un kimono usé et déchiré au bout couvre tout le corps du vieil homme. C'est le vestige de son ancienne vie, il tient chaud pendant l'hiver et fut souvent la seule chose qui protégeait son corps du froid. Au niveau de son plexus jusqu'à la ceinture, il y a de lourds bandages blancs qui protègent assez souvent ses blessures fraîchement acquises. Un bon moyen de stopper le sang qui coule en somme. Une ceinture en tissu noir serre le tout, on peut y voir accrocher de nombreuses babioles, comme une gourde ou une sacoche. À noter qu’il porte également dans son dos un coffre et un sac de couchage. Notre ami se balade toujours avec ses trois lames, chacune soigneusement rangées dans leurs fourreaux.